L'esclavage et l'église du premier siècle
L'esclavage du premier siècle était très différent de celui qui existait aux débuts de l'histoire américaine. À l'époque du Nouveau Testament, l'esclavage n'était pas basé sur la culture comme il l'était quand des Africains innocents étaient saisis et vendus par des commerçants africains et européens. Au premier siècle, la majorité des esclaves de l'empire romain étaient butin de guerre et toutes sortes de gens acquis par l'armée romaine sont devenus esclaves. Dans bien des cas, des individus se vendaient eux-mêmes à cause de leurs dettes. Les maîtres romains traitaient habituellement leurs esclaves avec une certaine mesure de respect et beaucoup d'entre eux tenaient des positions de responsabilité chez leurs maîtres. Les esclaves pouvaient se marier, accumuler des biens et racheter leur liberté. Selon la loi romaine, les esclaves devaient être libérés à l'âge de 30 ans.
Les deux-tiers de la population de l'Empire étaient des esclaves mais ce nombre a diminué rapidement au premier siècle et a continué à baisser à mesure que les idéaux chrétiens ont commencé à prendre racine dans la société païenne. Cela nous amène évidemment à considérer la possession d'esclaves par les chrétiens au premier siècle. Nous savons qu'il y avait des esclaves parce que Paul donne dans ses écrits des instructions aux esclaves et aux maîtres :
5Serviteurs, obéissez à vos maîtres selon la chair, avec crainte et tremblement, dans la simplicité de votre coeur, comme à Christ, 6non pas seulement sous leurs yeux, comme pour plaire aux hommes, mais comme des serviteurs de Christ, qui font de bon coeur la volonté de Dieu. 7Servez-les avec empressement, comme servant le Seigneur et non des hommes, 8sachant que chacun, soit esclave, soit libre, recevra du Seigneur selon ce qu'il aura fait de bien. Et vous, maîtres, agissez de même à leur égard, et abstenez-vous de menaces, sachant que leur maître et le vôtre est dans les cieux, et que devant lui il n'y a point d'acception de personnes.
- Éphésiens 6.5-9
Notez les instructions qu'il donne aux esclaves et aux maîtres:
- L'obéissance sincère
- Servir avec empressement comme s'ils servaient le Seigneur
- Servir avec l'espérance d'un bienfait du Seigneur
- Les maîtres devraient traiter les esclaves avec justice et sans menaces
- Dieu jugera les esclaves et les maîtres
22Serviteurs, obéissez en toutes choses à vos maîtres selon la chair, non pas seulement sous leurs yeux, comme pour plaire aux hommes, mais avec simplicité de coeur, dans la crainte du Seigneur. 23Tout ce que vous faites, faites-le de bon coeur, comme pour le Seigneur et non pour des hommes, 24sachant que vous recevrez du Seigneur l'héritage pour récompense. Servez Christ, le Seigneur. 25Car celui qui agit injustement recevra selon son injustice, et il n'y a point d'acception de personnes. 1Maîtres, accordez à vos serviteurs ce qui est juste et équitable, sachant que vous aussi vous avez un maître dans le ciel.
- Colossiens 3.22-4.1
On remarque ici qu'il y avait une certaine cohérence en ce qui concerne les instructions aux maîtres croyants et aux esclaves:
- L'obéissance sincère
- Servir avec la crainte du Seigneur
- Servir avec l'espérance d'une bénédiction du Seigneur
- Dieu punira celui qui agit injustement
- Les maîtres doivent être justes et équitables; ils seront jugés eux aussi
- Ils ont eux aussi un maître dans le ciel
Ailleurs (1 Corinthiens 7.17-24) Paul encourage les esclaves à accepter leur situation mais à choisir la liberté s'ils le peuvent. Son approche à ce mal social n'était pas de bouleverser l'ordre établi. Il travaillait à donner la Parole de Dieu et Sa volonté à ce sujet à travers l'église.
L'église primitive ne différenciait pas entre l'esclave et le maître, tous s'asseoyaient ensemble à l'assemblée. Les esclaves pouvaient servir en tant qu'anciens et, contrairement aux pierres tombales païennes qui notaient si le mort était un esclave, les tombes chrétiennes ne faisaient pas cette distinction. Selon Ignace (évêque du deuxième siècle), les fonds de l'église étaient souvent utilisés pour racheter la liberté des esclaves. Certains chrétiens abandonnaient même leur liberté pour en racheter et libérer d'autres (1 Clément, 55 après J.-C.). Le mariage parmi les esclaves était protégé, et les chrétiens encourageaient les non-chrétiens à libérer leurs esclaves ou à leur permettre de racheter leur liberté.
En commençant avec l'enseignement de Paul à ce sujet et sur l'égalité de statut donné aux esclaves dans l'église, le mal de l'esclavage en masse a fini par disparaître de l'empire romain. C'est dans ce contexte historique et social que Paul écrit son court épître à Philémon, un frère chrétien, l'encourageant à libérer un esclave en fuite.
Philémon – arrière-plan
Cette lettre est écrite par Paul pendant qu'il est incarcéré à Rome et qu'il attend sa comparution devant César entre 61 et 63 apr. J.-C. On permettait à Paul de recevoir des visiteurs et d'échanger de la correspondance avec différents individus et églises. Les deux personnes principales nommées dans cette lettre sont:
- Philémon – Un homme riche et important, converti par Paul (verset 19). Il est probablement entré en contact avec l'apôtre alors qu'il était à Éphèse. Plus tard, Philémon a déménagé ou est retourné à Colosses et il était membre de l'église qui s'y trouvait.
- Onésime – Un esclave en fuite appartenant à Philémon qui s'était rendu à Rome. Pendant qu'il s'y trouvait, il est entré en contact avec Paul et a été converti. Il est ensuite resté avec Paul, servant ses besoins.
Pendant cette période, Épaphras (un collègue de Paul qui avait planté l'église à Colosses) arrive à Rome avec un don de l'église de Philippes pour Paul. Épaphras informe Paul de certains troubles (sous forme de faux enseignements) dans l'église de Colosses. Au verset 23 de Philémon, on apprend qu'Épaphras a été détenu pendant un certain temps avec Paul, mais qu'il a ensuite été relâché et a reçu une lettre à remettre aux Philippiens pour les remercier de leur don. Après son départ, Paul écrit plusieurs autres lettres:
- Une à l'église à Colosses au sujet des faux enseignants et de l'hérésie à laquelle ils font face.
- Une lettre personnelle à Philémon qui était membre de l'église à Colosses, concernant son esclave en fuite, Onésime.
- Une à l'église à Éphèse qui avait des problèmes d'unité et de communion fraternelle.
Ces trois lettres ont été livrées par Tychique, un autre collègue de travail de Paul.
Onésime a été remis aux soins de Tychique (pour l'empêcher d'être arrêté par les capteurs d'esclaves) pour être ramené à Philémon avec la lettre de Paul.
Philémon – plan
- Salutation de Paul à Philémon – v. 1-3
- La prière de Paul pour Philémon – v. 4-7
- L'appel de Paul à Philémon – v. 8-20
- La demande de Paul et sa bénédiction – v. 21-25
Philémon – texte
1. Salutation - v. 1-3
1Paul, prisonnier de Jésus Christ, et le frère Timothée, à Philémon, notre bien-aimé et notre compagnon d'oeuvre, 2à la soeur Apphia, à Archippe, notre compagnon de combat, et à l'Église qui est dans ta maison: 3que la grâce et la paix vous soient données de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ!
- Philémon 1.1-3
Paul résume sa situation personnelle se disant prisonnier de Jésus Christ, c'est à dire qu'il est prisonnier pour la cause du Christ, et Timothée est là, prenant soin de lui. La lettre est adressée à Philémon, Apphia est sa femme et Archippe est probablement leur fils. L'église se réunit dans leur maison dans la ville de Colosses. Paul offre non seulement une bénédiction précieuse (grâce et paix) pour Philémon et sa famille mais il commente aussi sur sa valeur en Christ en tant que frère bien-aimé et collègue de Paul. Il s'agit là d'un grand éloge de la part d'un apôtre inspiré.
2. La prière de Paul - v. 4-7
4Je rends continuellement grâces à mon Dieu, faisant mention de toi dans mes prières, 5parce que je suis informé de la foi que tu as au Seigneur Jésus et de ta charité pour tous les saints. 6Je lui demande que ta participation à la foi soit efficace pour la cause de Christ, en faisant reconnaître en nous toute espèce de bien. 7J'ai, en effet, éprouvé beaucoup de joie et de consolation au sujet de ta charité; car par toi, frère, le coeur des saints a été tranquillisé.
- Philémon 1.4-7
La prière de remerciement de Paul est motivée par ce qu'il connait de Philémon:
- Son amour pour Dieu et pour ceux qui Lui appartiennent
- Sa fidélité à Dieu et aux saints (esclaves et libres)
- L'amour et la foi de Philémon sont un bienfait pour tous.
Ce que Paul n'a pas encore mentionné est qu'il basera ses demandes à Philémon sur sa connaissance de ces qualités, foi exprimée dans la charité.
3. L'appel de Paul – v.8-21
8C'est pourquoi, bien que j'aie en Christ toute liberté de te prescrire ce qui est convenable, 9c'est de préférence au nom de la charité que je t'adresse une prière, étant ce que je suis, Paul, vieillard, et de plus maintenant prisonnier de Jésus Christ.
- Philémon 1.8-9
Au premier abord, Paul semble dire que comme apôtre, il pourrait exiger que Philémon lui obéisse. Il mentionne sa "liberté de prescrire ce qui est convenable" non pas pour dire que Jésus l'approuve mais plutôt qu'il a confiance dans la volonté du Christ et dans la maturité chrétienne de Philémon (sa foi et sa charité) en ce qui concerne la situation qu'il est sur le point de mentionner (le retour de l'esclave Onésime). Il est certain que Philémon ferait ce que Paul exigerait.
Toutefois, parce qu'il connaît la charité de Philémon, il ne présentera pas sa demande comme un commandement mais à un tout autre niveau, soit comme une action charitable. La référence de Paul à son âge (près de 60 ans, Lenski - p. 961) et à son emprisonnement sont un rappel pour Philémon de son long service et de ses souffrances en considérant ce qu'il lui demandera ensuite. Cela comprendrait la perte de service et de valeur financière d'un esclave en lui accordant sa liberté sans prix. En 79 apr. J.-C., un esclave dans l'empire romain était vendu pour environ 625 deniers, l'équivalent d'environ 32,000$ dans la société d'aujourd'hui.
Aux versets 10-16, Paul présente un appel spécifique:
10Je te prie pour mon enfant, que j'ai engendré étant dans les chaînes, Onésime, 11qui autrefois t'a été inutile, mais qui maintenant est utile, et à toi et à moi.
- Philémon 1.10-11
Il nomme l'esclave en fuite, Onésime (qui signifie "utile") et la connexion de Paul à lui - il l'a converti pendant qu'il était en prison. Paul fait un jeu de mot avec le nom Onésime, le disant d'abord "inutile" à Philémon à la fois spirituellement (un païen) et financièrement (il s'était enfuit). Il était maintenant "utile" spirituellement (il était devenu croyant et partageait désormais leur foi) et physiquement parce qu'il retournait à la maisonnée de Philémon (les esclaves libérés travaillaient souvent pour leurs anciens maîtres et recevaient un salaire régulier).
12Je te le renvoie lui, mes propres entrailles. 13J'aurais désiré le retenir auprès de moi, pour qu'il me servît à ta place, pendant que je suis dans les chaînes pour l'Évangile.
- Philémon 1.12-13
Paul offre à Philémon une manière spirituelle de voir les choses à travers les yeux de la foi où les gens et les événements agissent selon la volonté et le dessein de Dieu: Onésime n'était pas simplement un esclave que Paul avait trouvé. Avec les yeux de la foi...
- Onésime était un esclave envoyé par Philémon pour prendre soin de Paul en prison et il y avait trouvé le salut.
14Toutefois, je n'ai rien voulu faire sans ton avis, afin que ton bienfait ne soit pas comme forcé, mais qu'il soit volontaire. 15Peut-être a-t-il été séparé de toi pour un temps, afin que tu le recouvres pour l'éternité,16non plus comme un esclave, mais comme supérieur à un esclave, comme un frère bien-aimé, de moi particulièrement, et de toi à plus forte raison, soit dans la chair, soit dans le Seigneur.
- Philémon 1.14-16
Évidemment faire la bonne chose exigeait quelque chose de Paul aussi bien que de Philémon. Selon la loi romaine, Onésime appartenait à Philémon et il était le seul qui pouvait le libérer légalement. Paul désirait que Philémon le fasse sans que ce soit une imposition par son statut d'apôtre ni une faveur à cause de son âge ou de son emprisonnement. Encore une fois, Paul demande à Philémon de voir cette situation par la foi: non pas seulement un esclave retourné à son propriétaire mais Dieu qui travaille à convertir un esclave païen en un serviteur croyant qui sert Paul en prison, et maintenant un frère en Christ pour son ancien maître, quelque chose qui serait un défi spirituel pour Philémon.
17Si donc tu me tiens pour ton ami, reçois-le comme moi-même. 18Et s'il t'a fait quelque tort, ou s'il te doit quelque chose, mets-le sur mon compte. 19Moi Paul, je l'écris de ma propre main, -je paierai, pour ne pas te dire que tu te dois toi-même à moi. 20Oui, frère, que j'obtienne de toi cet avantage, dans le Seigneur; tranquillise mon coeur en Christ.
- Philémon 1.17-20
Paul mentionne le prix de ce qu'il demande de Philémon:
- La valeur réelle d'Onésime comme esclave,
- Le coût pour le remplacer,
- Tout autre dommage ou perte causés par sa fuite,
- Le défi social de reprendre un ancien esclave comme frère en Christ.
Paul dit de transférer toute dette d'Onésime à sa dette à lui (tout comme nous transférons la dette pour notre péché à Jésus sur la croix). Ce qui n'est pas dit ici est: "Si Paul devait cette dette à Philémon, est-ce que Philémon en exigerait le remboursement?" Paul rappelle à Philémon sa propre dette pour le salut de son âme étant donné que Paul l'a converti. En fait, lui et Onésime doivent tous deux à Paul une plus grande dette que ce qu'Onésime doit à Philémon.
Onésime était utile dans le service chrétien en aidant à Paul en prison, maintenant Philémon peut être utile à Paul en reprenant Onésime comme un homme libre et un frère égal en Christ. Cela rafraîchira et encouragera Paul pendant qu'il souffre pour l'évangile en prison, le même évangile qui a sauvé l'âme de Philémon et celle d'Onésime et a mis chacun d'eux en dettes envers Paul.
4. La demande de Paul et sa bénédiction– v. 21-25
C'est en comptant sur ton obéissance que je t'écris, sachant que tu feras même au delà de ce que je dis.
- Philémon 1.21
Paul ne résume pas sa demande et les détails de sa lettre mais il mentionne ses sentiments et son attitude envers Philémon. Il est confiant, sachant que Philémon est un homme de foi et de charité véritable, que sa réponse ne sera pas la colère, l'offense, l'obéissance amère ou une forme d'hypocrisie passive-agressive. Il sait que Philémon ira au-delà de sa demande. C'est un homme de foi et d'amour, et il répondra en conséquence.
On perçoit une réponse positive en lisant la lettre de Paul aux Colossiens quand l'apôtre fait référence à Onésime et l'appelle "le fidèle et bien-aimé frère" (Colossiens 4.9). Aussi, Ignace (35-108 apr. J.-C.) écrivain de l'église primitive et ancien à Antioche, mentionne qu'Onésime a éventuellement servi comme ancien de l'église à Éphèse.
22En même temps, prépare-moi un logement, car j'espère vous être rendu, grâce à vos prières. 23Épaphras, mon compagnon de captivité en Jésus Christ, 24te salue, ainsi que Marc, Aristarque, Démas, Luc, mes compagnons d'oeuvre. 25Que la grâce de notre Seigneur Jésus Christ soit avec votre esprit!
- Philémon 1.22-25
On sait que Paul a été libéré de la prison romaine et a passé les deux années suivantes à revisiter différentes congrégations qu'il avait établies pendant ses voyages missionnaires précédents. Cette demande d'hébergement suggère qu'il était confiant en sa libération éventuelle. Ceux qu'il nomme ne sont pas tous en prison avec lui mais ils lui rendent visite et travaillent avec lui et ils sont connus de Philémon et donc mentionnés. Paul termine sa lettre avec une autre bénédiction semblable à celle du début mais il l'offre cette fois seulement à Philémon.
En 66 apr. J.-C., en prison une seconde fois pendant la persécution des chrétiens sous Néron, Paul a écrit sa dernière épître (2 Timothée) et il a été décapité l'année suivante, en 67 apr. J.-C.
Sommaire et leçon
Par la providence de Dieu, un esclave en fuite est converti par un apôtre incarcéré dans une prison romaine. Non seulement l'apôtre connaît-il le maître de l'esclave mais il est responsable de sa conversion. L'esclave est par la suite retourné avec une lettre demandant à son propriétaire de le reprendre en homme libre et en frère en Christ. Il semble qu'Onésime a été libéré, accepté comme frère dans le Seigneur et qu'il a servi comme dirigeant dans l'église à Éphèse, la congrégation même où l'apôtre Jean a servi.
Voici la leçon à retenir:
Les chrétiens devraient voir la vie à travers les yeux de la foi.
Paul a présenté l'histoire d'Onésime et la réponse de Philémon à travers les yeux de la foi pour qu'elles soient comprises. C'était la providence de Dieu qui lui a envoyé Onésime en prison puis l'a retourné à Philémon pour qu'il soit restauré comme un frère libre et égal en Christ. Il ne s'agissait pas du coût d'un esclave fugitif, il s'agissait d'une semence plantée par Dieu dans l'église primitive entourée d'un empire païen où l'esclavage était commun. Il s'agissait d'un moment propice à l'apprentissage, enregistré dans une lettre personnelle adressée à un homme et qui a été lue par des millions de personnes à travers l'histoire. La lettre résume l'esprit et la sagesse de Dieu à propos du mal de l'esclavage qui a finalement été abandonné et condamné alors que le christianisme s'est répandu dans tout l'Empire et dans le monde.
Dieu continue à oeuvrer encore aujourd'hui de manière extraordinaire avec les nations et les rois aussi bien que dans les vies intimes. Ces choses ne sont pas cachées mais ne peuvent être vues qu'à travers les yeux de la foi. Notre tâche est de demander à Dieu d'ouvrir nos yeux de foi pour que nous puissions voir clairement ce qu'Il fait dans nos vies ainsi que Sa main dans la scène du monde qui nous entoure.